samedi 22 décembre 2012

Sorata, Bolivie / Sorata, Bolivia


Nous quittons La Paz vers 10 heures du matin, direction la petite ville de Sorata, à une centaine de km au nord-ouest de la capitale. Les minibus partent tous du même endroit, près du grand cimetière, calle Bustillos. Il nous faut environ 50 mn pour monter jusqu'à El Alto et traverser la ville aux rues toujours encombrées.
Salimos de La Paz a eso de las diez de la mañana, con rumbo a la pequeña ciudad de Sorata a unos cien kilómetros al noroeste de la capital. Todos los minibuses sin excepción salen de la calle Bustillos, cerca del gran cementerio de la capital. Tardamos unos 50 minutos en subir hasta El Alto y pasar los atascos de la ciudad.




Puis nous roulons sur l'Altiplano. Au bout d'une heure, arrivés aux abords du lac Titicaca, Renée se rend compte que le chauffeur "pique du nez" tout en conduisant à 100 km/heure sur la nationale toute droite. Elle le surveille dans le rétroviseur et voit régulièrement sa tête basculer... Elle lui tape sur l'épaule en lui disant : "Maestro, está durmiéndose". 
Nous ne nous attendions pas du tout à sa réaction : il se met en colère et la prie de se mêler de ses affaires. Renée lui fait remarquer qu'il n'y a rien de déshonorant dans le fait d'être fatigué, mais qu'elle souhaite arriver entière à destination ainsi que toutes les personnes présentes dans le bus, et qu'il vaudrait peut être mieux qu'il se repose un peu. 
Il répond qu'il n'est absolument pas fatigué, et que de toutes façons il a sa "bolsita de coca", sa pochette pleine de feuilles de coca. Bon, alors, qu'il en prenne de una vez pour se réveiller...
Une dame, assise derrière nous, nous soutient discrètement, mais les autres voyageurs ne pipent mot, ils sont habitués à la toute puissance du chauffeur, seul maître à bord après Dieu... Le nôtre est très vexé qu'une femme, qui plus est une "gringa", lui ait fait une remarque sur sa conduite. 
Circulando por el Altiplano, al llegar a orillas del lago Titicaca una hora después, Renata se da cuenta de que el chófer da cabezadas sin dejar de conducir a unos 100 km/h. Le vigila en el retrovisor y le ve inclinar la cabeza a cada rato... Le golpea la espalda diciéndole "Maestro, está durmiéndose". No nos esperábamos su reacción : se enfada y le contesta que no se meta... Renata le dice que no es nada deshonroso tener sueño, que ella desea llegar entera a destino así como todos los pasajeros y que, a lo mejor, sería bueno que descansara un poco. Le contesta que no está nada cansado y que tiene su bolsita de coca por si acaso sentiría ganas de dormir ... Vale, pero entonces ¡qué se mastique la coca de una vez para quedar despierto!
Una sola señora, sentada detrás de nosotros, nos apoya discretamente pero los demás viajeros no se atreven a decir ni una palabra, acostumbrados que están al poder de los chóferes, todopoderosos en sus vehículos. Nuestro chófer se siente realmente muy ofendido de que una mujer le haya hecho una observación y además que sea una gringa...


La Cordillère Royale depuis Isla Cojata (lac Titicaca)

Une heure de trajet encore et nous abordons la longue descente de l'Altiplano vers Sorata - 1.100 m de dénivellée. Notre chauffeur montre de plus en plus de signes de fatigue. Le combi va de droite et de gauche au bord de ravins impressionnants, la tête du "chófer" dodeline. Risquant le tout pour le tout, Renée réitère sa remarque et là, il prend à témoin les deux personnes assises à l'avant près de lui pour la faire passer pour une folle... Il devient si désagréable que Jean-Louis doit intervenir pour le calmer en prenant sa plus grosse voix et en le menaçant de porter plainte à la Policía de Tránsito à notre retour à La Paz... Mais au moins cette diatribe le tient-elle éveillé, le but est atteint, nous parviendrons sans encombre à destination.
Una hora más y empezamos a bajar la larga carretera que lleva del Altiplano a Sorata, 1.100 metros de desnivel, y nuestro maestro muestra cada vez más signos de cansancio. El minibus va de derecha a izquierda a lo largo de unos barrancos impresionantes y el chófer sigue dando cabezadas. Muy atrevida Renata le repite lo que ya le había dicho antes y entonces el maestro toma por testigo a las dos personas sentadas a su lado para hacerla pasar por loca y que además miedosa... Se pone tan desagradable que Juan Luis tiene que intervenir amenazándole con poner una denuncia a la policía del tránsito al volver a La Paz... Pero por lo menos ya está despierto y llegamos sin más problemas a Sorata.

Il y a quelques années nous n'aurions pas osé intervenir de cette façon mais après avoir parcouru l'Amérique du Sud en tous sens, depuis la frontière nord de l'Équateur jusqu'à Ushuaia en bus, combis et autres véhicules divers, contre toute attente nous sommes toujours en vie, et nous savons que nous avons raison. 
Les chauffeurs, à qui on demande de conduire de longues heures d'affilée, sans aucun repos, ne sont bien sûr pas directement responsables, mais il s'agit de la sécurité de tous... Il suffit pour s'en persuader de jeter un coup d'oeil sur le journal paru quinze jours avant notre arrivée à Sorata... qu'heureusement nous n'avons lu qu'après notre retour!
Hace algunos años nunca nos hubiéramos atrevido a intervenir de esta forma pero después de haber recorrido América del Sur desde la frontera norte de Ecuador hasta Ushuaia en Argentina en buses, micros, combis y otros vehículos, contra toda previsión seguimos vivos y sabemos que tenemos razón. Por supuesto no culpamos directamente a los maestros que muchas veces se ven obligados a conducir largas horas sin descansar, es el sistema que les lleva a tales extremidades pero se trata de la seguridad de todos... Para convencerse basta con echar un vistazo en el periódico publicado quince días antes de nuestra llegada a Sorata y que felizmente sólo leímos después de volver a La Paz.


En arrivant à Sorata, surprise : cette petite ville que l'on décrit dans un guide touristique - dont le nom évoque les personnes qui font de la route - comme "un des plus beaux villages des Andes boliviennes" est en plein chantier, les rues sont défoncées, le joli square arboré de la Plaza de Armas fermé à clé, et le tout est rempli de poubelles...
Al llegar a Sorata, sorpresa :  esta pequeña ciudad que un guía turístico - cuyo nombre se relaciona con la gente que va caminando - describe como "uno de los pueblos más bonitos de los Andes bolivianos" no es más que una obra gigantesca con sus calles hundidas, las rejas del bonito jardín arboleado de la plaza de Armas cerradas con llave y todo lleno de basuras.






Nous sommes un peu désappointés, et de plus le nevado Illampu, un des plus beaux de la Cordillère Royale, se cache dans les nuages.
Quedamos un poco decepcionados porque además el nevado Illampu, uno de los más bellos de la Cordillera Real, se esconde en las nubes.




Nous nous dirigeons vers le "Residencial Sorata", belle demeure coloniale à l'angle de la place.
Nos dirigimos hacia el "Residencial Sorata", una muy bella casa colonial en la esquina de la plaza.




Le propriétaire nous montre tout d'abord une grande chambre un peu délabrée, puis nous conduit à travers plusieurs patios vers l'arrière de la maison, où se trouve une annexe au milieu d'un jardin luxuriant. C'est un havre de paix et nous nous installons immédiatement.
Primero el dueño nos enseña una habitación algo deteriorada y luego nos guía por varios patios hacia la parte trasera de la casa donde se encuentra un pequeño edificio en medio de un frondoso jardín . Es un pequeño paraíso donde nos instalamos en seguida.






Le lendemain matin nous rencontrons un couple installé dans la cuisine d'été. La dame s'excuse de ne pas avoir prévu de petit déjeuner pour nous, et nous apprenons ainsi que la maison a deux propriétaires : le couple avec qui nous parlons, Doña Carmen y Don Alberto, qui possèdent toute la partie ancienne de la demeure, et leur beau-frère, la partie où nous avons loué une chambre. Voyant notre intérêt pour la Bolivie ils nous invitent à visiter la maison et nous racontent l'histoire de Sorata et de la famille de Don Alberto.
Al día siguiente, por la mañanita, nos encontramos con una  pareja en la cocina de verano. La señora se disculpa por no haber previsto nuestro desayuno y así nos enteramos de que la casa tiene dos propietarios : la parte más antigua de la casa es de la pareja con quien estamos hablando, Doña Carmen y Don Alberto, y la parte donde estamos alojados de su cuñado. Al notar nuestro interés por el país, nos invitan a visitar la casa y nos cuentan la historia de Sorata y de la familia de Don Alberto.


Doña Carmen y don Alberto

Voici un siècle, Sorata était une petite ville très prospère par où transitaient tous les produits de la selva en direction de La Paz : le thé, le café, les fruits, et bien sûr l'or. D'ailleurs les nombreuses maisons coloniales de la ville, toutes plus ou moins délabrées, témoignent de sa splendeur passée.
Venu d'Allemagne à la fin du XIXè siècle, le grand-père de Don Alberto Fernholz Ruiz possédait des haciendas avec des plantations de thé dans la région, puis avait fondé avec un associé en 1890 "la casa Gunther-Wedemayer", grand magasin où s'entassaient les balles de goma (caoutchouc d'hévéa), de thé, de café, etc..., avant de s'installer en 1919 à Arequipa pour y fonder la cervecería (brasserie) Arequipeña.
Toute la partie donnant sur la rue était consacrée au commerce et les nombreux patios intérieurs de la maison abritaient les marchandises et les ouvriers, sans compter les étages supérieurs luxueux où vivait la famille.
Hace un siglo Sorata era una pequeña ciudad próspera por la cual transitaban todos los productos de la selva camino a La Paz : té, café, frutas y por supuesto el oro. Basta con ver las numerosas casas coloniales de la ciudad, ahora casi todas en mal estado, para comprenderlo.
Oriundo de Alemaña, el abuelo de Don Alberto Fernholz Ruiz poseía al final del siglo XIX haciendas de plantación de té en la provincia. En 1890, en colaboración con un socio, fundaron "la casa Gunther-Wedemayer", amplio almacen donde se amontonaban las bolachas de goma, de té, de café y otros tantos productos. En 1919 se trasladó a Arequipa para fundar la Cervecería Arequipeña.
Toda la parte de la casa que da a la calle estaba reservada para la venta, los numerosos patios albergaban las mercaderías y allí también trabajaban los obreros, sin contar con los pisos superiores lujosos donde vivía la familia.




Nous visitons la maison où il ne reste que très peu de meubles de cette époque. Tous ces biens venaient d'Europe par cargo, transitaient par El Callao (Lima), puis après un long trajet sur l'Altiplano traversaient le lac Titicaca en bateau et arrivaient enfin à Sorata. Quel périple ! 
Le gros du mobilier a été vendu ou est détérioré par les ans et le manque d'entretien. Cependant, il reste quelques belles pièces, comme des cartes anciennes datant de la Colonie, ou des souvenirs de la Selva.
Visitamos la casa en la cual quedan muy pocos muebles de aquella época. Todos estos bienes venían de Europa por buque de carga, transitaba por El Callao (Lima), y después de un largo trayecto por el Altiplano cruzaba el lago Titicaca en barco antes de llegar por fin a Sorata. ¡Qué periplo! 
La mayor parte de los muebles ha sido vendida o está deteriorada por el tiempo y la falta de mantenimiento. A pesar de todo quedan algunas cosas de valor como unos mapa antiguos del tiempo de la Colonia o recuerdos de la Amazonía.


Une peau d'anaconda - Una piel de anaconda

Don Alberto nous montre deux anciens coffres forts - très massifs - du magasin, de fabrication allemande bien entendu, une infinité de vieux objets du temps passé, ainsi que de nombreux albums photos familiaux que nous parcourons ensemble. Grâce à ces vieilles photos jaunies, nous voyons défiler sous nos yeux trois générations de colons qui ont participé au développement de ce pays au début du XXè siècle. Peu à peu, ils ont fait souche, se sont totalement intégrés à la société bolivienne, et Don Alberto, bien qu'ayant beaucoup voyagé, nous avoue n'avoir jamais ressenti le besoin de connaître le pays de ses ancêtres. Mais cela ne l'a pas empêché d'acheter une extraordinaire petite voiture de marque Heinkel, et de la garder depuis soixante ans... De temps en temps, au volant de cet engin, il fait le trajet jusqu'à la capitale où il fait sensation. 
Don Alberto nos enseña las dos macizas cajas fuertes del antiguo almacen, de fabricación alemana como se debe, una multitud de objetos antiguos así como numerosos álbumes de fotos familiares que recorremos juntos. Gracias a estas viejas fotos desfilan delante de nuestros ojos tres generaciones de colonos que participaron en el desarrollo de este país al principio del siglo XX. Poco a poco se implantaron y formaron parte integral de la sociedad boliviana y Don Alberto nos confiesa que, a pesar de haber viajado mucho, nunca ha sentido el deseo de conocer la tierra de sus antepasados. Pero hace años se compró un pequeño carro extraordinario de marca Heinkel que guarda desde hace 50 años. De vez en cuando, manejando su carrito, se va a la capital donde llama mucho la atención. 


http://www.cocheargentino.com.ar/h/heinkel.htm

Nous découvrons avec intérêt une autre facette de la Bolivie, qui bien sûr est un pays à forte majorité indienne - 60 % de la population est aymara ou quechua - mais dont l'histoire récente a été façonnée par les vagues successives de colons venus d'Europe.
Con mucho interés descubrimos otra cara de Bolivia cuya población se compone en mayoría de indígenas - el 60 por ciento es aymara o quechua - pero a cuya historia reciente le han dado forma también las sucesivas olas de colonos venidos de Europa.


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Doña Carmen y Don Alberto nous parlent aussi l'histoire actuelle de la ville.
Soupçonné de malversation, le maire est en garde à vue à La Paz, ce qui expliquerait l'état lamentable de la voirie – dont les travaux ont été interrompus sine die faute de budget, et le ramassage des ordures est suspendu depuis plusieurs semaines… La population de Sorata est en conflit avec la communauté de Mullupaya dont est issu le maire, située à quelques kilomètres au-dessus, sur l'unique route qui dessert la ville et va à la capitale. Cette position stratégique permet aux comuneros de bloquer efficacement l'accès à Sorata, exerçant une pression considérable sur ses habitants.
Doña Carmen y Don Alberto también nos cuentan lo que pasa actualmente en Sorata.
Sospechado de corrupción, el alcalde de la ciudad está en la cárcel en La Paz, lo que justificaría el pésimo estado de las calles - cuyas obras están suspendidas hasta no se sabe cuando por falta de presupuestos - y la recolección de la basura no se hace desde hace varias semanas... La población de Sorata está en conflicto con la comunidad de Mullupaya - de donde es oriundo el alcalde y que le defiende - que se sitúa a unos kilómetros subiendo la sola carretera que sale a la capital, lo que permite a los comuneros de Mullupaya bloquear totalmente el acceso a Sorata, ejerciendo una presión considerable en los habitantes.




Doña Carmen nous conseille de ne pas trop différer notre retour, car de nouvelles réunions sont prévues qui peuvent voir le conflit dégénérer, débouchant sur de nouveaux blocages. Elle nous raconte que, voici quelques années, des touristes coincés depuis plusieurs semaines ont dû être évacués à La Paz par hélicoptère !
(voir article de "La Razón" en lien ci-dessus).
Dire que cette petite ville avait l'air si tranquille…
Doña Carmen nos aconseja no tardar demasiado en salir de Sorata porque estos dos días están previstas nuevas reuniones y puede degenerar de nuevo el conflicto hasta desembocar en nuevos bloqueos. Nos cuenta que, hace unos años, unos helicópteros de La Paz tuvieron que rescatar a unos turistas bloqueados durante varias semanas...
(Ver el artículo de la Razón).
¡Qué difícil era imaginar tal cosa con lo tranquila que parece esta pequeña ciudad!