Nous
quittons La Paz vers 10 heures du matin, direction la petite ville de Sorata, à
une centaine de km au nord-ouest de la capitale. Les minibus partent tous du
même endroit, près du grand cimetière, calle Bustillos. Il nous faut environ 50
mn pour monter jusqu'à El Alto et traverser la ville aux rues toujours
encombrées.
Salimos
de La Paz a eso de las diez de la mañana, con rumbo a la pequeña ciudad de
Sorata a unos cien kilómetros al noroeste de la capital. Todos los minibuses
sin excepción salen de la calle Bustillos, cerca del gran cementerio de la
capital. Tardamos unos 50 minutos en subir hasta El Alto y pasar los atascos de
la ciudad.
Puis nous
roulons sur l'Altiplano. Au bout d'une heure, arrivés aux abords du lac
Titicaca, Renée se rend compte que le chauffeur "pique du nez" tout
en conduisant à 100 km/heure sur la nationale toute droite. Elle le surveille
dans le rétroviseur et voit régulièrement sa tête basculer... Elle lui tape sur
l'épaule en lui disant : "Maestro, está durmiéndose".
Nous ne nous
attendions pas du tout à sa réaction : il se met en colère et la prie de se
mêler de ses affaires. Renée lui fait remarquer qu'il n'y a rien de déshonorant
dans le fait d'être fatigué, mais qu'elle souhaite arriver entière à
destination ainsi que toutes les personnes présentes dans le bus, et qu'il
vaudrait peut être mieux qu'il se repose un peu.
Il répond qu'il n'est
absolument pas fatigué, et que de toutes façons il a sa "bolsita de
coca", sa pochette pleine de feuilles de coca. Bon, alors, qu'il en prenne
de una vez pour se réveiller...
Une dame,
assise derrière nous, nous soutient discrètement, mais les autres voyageurs ne
pipent mot, ils sont habitués à la toute puissance du chauffeur, seul maître à
bord après Dieu... Le nôtre est très vexé qu'une femme, qui plus est une
"gringa", lui ait fait une remarque sur sa conduite.
Circulando por el
Altiplano, al llegar a orillas del lago Titicaca una hora después, Renata se da
cuenta de que el chófer da cabezadas sin dejar de conducir a unos 100 km/h. Le vigila en el retrovisor y le ve inclinar la cabeza a
cada rato... Le golpea la espalda diciéndole "Maestro, está
durmiéndose". No nos esperábamos su reacción : se enfada y le contesta que
no se meta... Renata le dice que no es nada deshonroso tener sueño, que ella
desea llegar entera a destino así como todos los pasajeros y que, a lo mejor,
sería bueno que descansara un poco. Le contesta que no está nada cansado y que
tiene su bolsita de coca por si acaso sentiría ganas de dormir ... Vale, pero
entonces ¡qué se mastique la coca de una vez para quedar despierto!
Una sola señora,
sentada detrás de nosotros, nos apoya discretamente pero los demás viajeros no
se atreven a decir ni una palabra, acostumbrados que están al poder de los chóferes,
todopoderosos en sus vehículos. Nuestro chófer se siente realmente muy ofendido
de que una mujer le haya hecho una observación y además que sea una gringa...
|
La Cordillère Royale depuis Isla Cojata (lac Titicaca) |
Une heure de
trajet encore et nous abordons la longue descente de l'Altiplano vers Sorata - 1.100 m de dénivellée. Notre chauffeur montre de plus en plus de signes
de fatigue. Le combi va de droite et de gauche au bord de ravins
impressionnants, la tête du "chófer" dodeline. Risquant le tout pour
le tout, Renée réitère sa remarque et là, il prend à témoin les deux personnes
assises à l'avant près de lui pour la faire passer pour une folle... Il devient
si désagréable que Jean-Louis doit intervenir pour le calmer en prenant sa plus
grosse voix et en le menaçant de porter plainte à la Policía de Tránsito à
notre retour à La Paz... Mais au moins cette diatribe le tient-elle éveillé, le
but est atteint, nous parviendrons sans encombre à destination.
Una hora más y
empezamos a bajar la larga carretera que lleva del Altiplano a Sorata, 1.100
metros de desnivel, y nuestro maestro muestra cada vez más signos de cansancio.
El minibus va de derecha a izquierda a lo largo de unos barrancos
impresionantes y el chófer sigue dando cabezadas. Muy atrevida Renata le repite
lo que ya le había dicho antes y entonces el maestro toma por testigo a las dos
personas sentadas a su lado para hacerla pasar por loca y que además miedosa...
Se pone tan desagradable que Juan Luis tiene que intervenir amenazándole con
poner una denuncia a la policía del tránsito al volver a La Paz... Pero por lo
menos ya está despierto y llegamos sin más problemas a Sorata.
Il y a
quelques années nous n'aurions pas osé intervenir de cette façon mais après
avoir parcouru l'Amérique du Sud en tous sens, depuis la frontière nord de
l'Équateur jusqu'à Ushuaia en bus, combis et autres véhicules divers, contre toute
attente nous sommes toujours en vie, et nous savons que nous avons raison.
Les
chauffeurs, à qui on demande de conduire de longues heures d'affilée, sans
aucun repos, ne sont bien sûr pas directement responsables, mais il s'agit de
la sécurité de tous... Il suffit pour s'en persuader de jeter un coup d'oeil
sur le journal paru quinze jours avant notre arrivée à Sorata...
qu'heureusement nous n'avons lu qu'après notre retour!
Hace algunos años
nunca nos hubiéramos atrevido a intervenir de esta forma pero después de haber
recorrido América del Sur desde la frontera norte de Ecuador hasta Ushuaia en
Argentina en buses, micros, combis y otros vehículos, contra toda previsión
seguimos vivos y sabemos que tenemos razón. Por supuesto no culpamos
directamente a los maestros que muchas veces se ven obligados a conducir largas
horas sin descansar, es el sistema que les lleva a tales extremidades pero se
trata de la seguridad de todos... Para convencerse basta con echar un vistazo
en el periódico publicado quince días antes de nuestra llegada a Sorata y que
felizmente sólo leímos después de volver a La Paz.
En
arrivant à Sorata, surprise : cette petite ville que l'on décrit dans un guide
touristique - dont le nom évoque les personnes qui font de la route - comme "un des plus beaux villages des Andes boliviennes"
est en plein chantier, les rues sont défoncées, le joli square arboré de la
Plaza de Armas fermé à clé, et le tout est rempli de poubelles...
Al llegar a Sorata,
sorpresa : esta pequeña ciudad que un
guía turístico - cuyo nombre se relaciona con la gente que va caminando -
describe como "uno de los pueblos más bonitos de los Andes
bolivianos" no es más que una obra gigantesca con sus calles hundidas, las
rejas del bonito jardín arboleado de la plaza de Armas cerradas con
llave y todo lleno de basuras.
Nous
sommes un peu désappointés, et de plus le nevado Illampu, un des plus beaux de
la Cordillère Royale, se cache dans les nuages.
Quedamos un poco
decepcionados porque además el nevado Illampu, uno de los más bellos de la
Cordillera Real, se esconde en las nubes.
Nous nous
dirigeons vers le "Residencial Sorata", belle demeure coloniale à
l'angle de la place.
Nos dirigimos hacia
el "Residencial Sorata", una muy bella casa colonial en la esquina de
la plaza.
Le
propriétaire nous montre tout d'abord une grande chambre un peu délabrée, puis
nous conduit à travers plusieurs patios vers l'arrière de la maison, où se
trouve une annexe au milieu d'un jardin luxuriant. C'est un havre de paix et
nous nous installons immédiatement.
Primero el dueño
nos enseña una habitación algo deteriorada y luego nos guía por varios patios
hacia la parte trasera de la casa donde se encuentra un pequeño edificio en
medio de un frondoso jardín . Es un pequeño paraíso donde nos instalamos en
seguida.
Le
lendemain matin nous rencontrons un couple installé dans la cuisine d'été.
La dame s'excuse de ne pas avoir prévu de petit déjeuner pour nous, et nous
apprenons ainsi que la maison a deux propriétaires : le couple avec qui nous
parlons, Doña Carmen y Don Alberto, qui possèdent toute la partie ancienne de
la demeure, et leur beau-frère, la partie où nous avons loué une chambre.
Voyant notre intérêt pour la Bolivie ils nous invitent à visiter la maison et
nous racontent l'histoire de Sorata et de la famille de Don Alberto.
Al
día siguiente, por la mañanita, nos encontramos con una pareja en la cocina de verano. La señora se
disculpa por no haber previsto nuestro desayuno y así nos enteramos de que la
casa tiene dos propietarios : la parte más antigua de la casa es de la pareja
con quien estamos hablando, Doña Carmen y Don Alberto, y la parte donde estamos
alojados de su cuñado. Al notar nuestro interés por el país, nos invitan a
visitar la casa y nos cuentan la historia de Sorata y de la familia de Don
Alberto.
|
Doña Carmen y don Alberto
|
Voici un
siècle, Sorata était une petite ville très prospère par où transitaient tous
les produits de la selva en direction de La Paz : le thé, le café, les fruits,
et bien sûr l'or. D'ailleurs les nombreuses maisons coloniales de la ville,
toutes plus ou moins délabrées, témoignent de sa splendeur passée.
Venu
d'Allemagne à la fin du XIXè siècle, le grand-père de Don Alberto Fernholz Ruiz
possédait des haciendas avec des plantations de thé dans la région, puis avait fondé
avec un associé en 1890 "la casa Gunther-Wedemayer", grand magasin où
s'entassaient les balles de goma (caoutchouc d'hévéa), de thé, de café,
etc..., avant de s'installer en 1919 à Arequipa pour y fonder la cervecería
(brasserie) Arequipeña.
Toute la
partie donnant sur la rue était consacrée au commerce et les nombreux patios
intérieurs de la maison abritaient les marchandises et les ouvriers, sans
compter les étages supérieurs luxueux où vivait la famille.
Hace un siglo
Sorata era una pequeña ciudad próspera por la cual transitaban todos los
productos de la selva camino a La Paz : té, café, frutas y por supuesto el oro.
Basta con ver las numerosas casas coloniales de la ciudad, ahora casi todas en
mal estado, para comprenderlo.
Oriundo de Alemaña,
el abuelo de Don Alberto Fernholz Ruiz poseía al final del siglo XIX haciendas
de plantación de té en la provincia. En 1890, en colaboración con un socio,
fundaron "la casa Gunther-Wedemayer", amplio almacen donde se
amontonaban las bolachas de goma, de té, de café y otros tantos productos. En 1919
se trasladó a Arequipa para fundar la Cervecería Arequipeña.
Toda la parte de la
casa que da a la calle estaba reservada para la venta, los numerosos patios
albergaban las mercaderías y allí también trabajaban los obreros, sin contar
con los pisos superiores lujosos donde vivía la familia.
Nous
visitons la maison où il ne reste que très peu de meubles de cette époque. Tous ces biens venaient d'Europe par cargo, transitaient par El
Callao (Lima), puis après un long trajet sur l'Altiplano traversaient le lac
Titicaca en bateau et arrivaient enfin à Sorata. Quel périple !
Le gros du
mobilier a été vendu ou est détérioré par les ans et le manque d'entretien.
Cependant, il reste quelques belles pièces, comme des cartes anciennes datant de
la Colonie, ou des souvenirs de la Selva.
Visitamos la casa
en la cual quedan muy pocos muebles de aquella época. Todos estos bienes venían
de Europa por buque de carga, transitaba por El Callao (Lima), y después de un
largo trayecto por el Altiplano cruzaba el lago Titicaca en barco antes de llegar
por fin a Sorata. ¡Qué periplo!
La mayor parte de los muebles ha sido vendida o
está deteriorada por el tiempo y la falta de mantenimiento. A pesar de todo
quedan algunas cosas de valor como unos mapa antiguos del tiempo de la Colonia
o recuerdos de la Amazonía.
|
Une peau d'anaconda - Una piel de anaconda |
Don Alberto
nous montre deux anciens coffres forts - très massifs - du magasin, de
fabrication allemande bien entendu, une infinité de vieux objets du temps
passé, ainsi que de nombreux albums photos familiaux que nous parcourons
ensemble. Grâce à ces vieilles photos jaunies, nous voyons défiler sous nos
yeux trois générations de colons qui ont participé au développement de ce pays
au début du XXè siècle. Peu à peu, ils ont fait souche, se sont totalement
intégrés à la société bolivienne, et Don Alberto, bien qu'ayant beaucoup voyagé,
nous avoue n'avoir jamais ressenti le besoin de connaître le pays de ses
ancêtres. Mais cela ne l'a pas empêché d'acheter une extraordinaire petite voiture de marque Heinkel, et de la garder depuis soixante ans... De temps en temps, au volant de cet engin, il fait le trajet jusqu'à la capitale où il fait sensation.
Don Alberto nos
enseña las dos macizas cajas fuertes del antiguo almacen, de fabricación
alemana como se debe, una multitud de objetos antiguos así como numerosos
álbumes de fotos familiares que recorremos juntos. Gracias a estas viejas fotos
desfilan delante de nuestros ojos tres generaciones de colonos que participaron
en el desarrollo de este país al principio del siglo XX. Poco a poco se implantaron
y formaron parte integral de la sociedad boliviana y Don Alberto nos confiesa
que, a pesar de haber viajado mucho, nunca ha sentido el deseo de conocer la
tierra de sus antepasados. Pero hace años se compró un pequeño carro
extraordinario de marca Heinkel que guarda desde hace 50 años. De vez en cuando,
manejando su carrito, se va a la capital donde llama mucho la atención.
Nous
découvrons avec intérêt une autre facette de la Bolivie, qui bien sûr est un
pays à forte majorité indienne - 60 % de la population est aymara ou quechua -
mais dont l'histoire récente a été façonnée par les vagues successives de
colons venus d'Europe.
Con mucho interés
descubrimos otra cara de Bolivia cuya población se compone en mayoría de
indígenas - el 60 por ciento es aymara o quechua - pero a cuya historia
reciente le han dado forma también las sucesivas olas de colonos venidos de
Europa.
* * * * * * *
* * * * *
* * *
*
Doña
Carmen y Don Alberto nous parlent aussi l'histoire actuelle de la ville.
Soupçonné
de malversation, le maire est en garde à vue à La Paz, ce qui expliquerait
l'état lamentable de la voirie – dont les travaux ont été interrompus sine
die faute de budget, et le ramassage des ordures est suspendu depuis
plusieurs semaines… La population de Sorata est en conflit avec la communauté
de Mullupaya dont est issu le maire, située à quelques kilomètres au-dessus,
sur l'unique route qui dessert la ville et va à la capitale. Cette position
stratégique permet aux comuneros de bloquer efficacement l'accès à
Sorata, exerçant une pression considérable sur ses habitants.
Doña Carmen y Don
Alberto también nos cuentan lo que pasa actualmente en Sorata.
Sospechado de
corrupción, el alcalde de la ciudad está en la cárcel en La Paz, lo que
justificaría el pésimo estado de las calles - cuyas obras están suspendidas
hasta no se sabe cuando por falta de presupuestos - y la recolección de la
basura no se hace desde hace varias semanas... La población de Sorata está en
conflicto con la comunidad de Mullupaya - de donde es oriundo el alcalde y que
le defiende - que se sitúa a unos kilómetros subiendo la sola carretera que
sale a la capital, lo que permite a los comuneros de Mullupaya bloquear
totalmente el acceso a Sorata, ejerciendo una presión considerable en los
habitantes.
Doña
Carmen nous conseille de ne pas trop différer notre retour, car de nouvelles
réunions sont prévues qui peuvent voir le conflit dégénérer, débouchant sur de
nouveaux blocages. Elle nous raconte que, voici quelques années, des touristes coincés
depuis plusieurs semaines ont dû être évacués à La Paz par hélicoptère !
(voir
article de "La Razón" en lien ci-dessus).
Dire que
cette petite ville avait l'air si tranquille…
Doña Carmen nos
aconseja no tardar demasiado en salir de Sorata porque estos dos días están
previstas nuevas reuniones y puede degenerar de nuevo el conflicto hasta
desembocar en nuevos bloqueos. Nos cuenta que, hace unos años, unos helicópteros
de La Paz tuvieron que rescatar a unos turistas bloqueados durante
varias semanas...
(Ver el artículo de la Razón).
¡Qué difícil era
imaginar tal cosa con lo tranquila que parece esta pequeña ciudad!